Réforme de la formation : on en parle à la CORFEM

synthèse
des échanges
CORFEM 2024

La CORFEM [1] réunie pour son 30e colloque à Limoges (13-14/06/2024), a proposé aux participants (80 inscrits) de réfléchir à trois questions, parmi les plus urgentes. Nous vous livrons ici les idées principales qui ont émergé des débats entre professionnels inter-catégoriels et venant de différentes académies.
 
Les participants ont échangé sur les 3 thèmes suivants :

  • La Licence
  • Quelles mathématiques en Master ?
  • Quelle « recherche » et quelle place pour la recherche en Master ?

La synthèse présentée ci-dessous a été publiée sur le site du 30e colloque de la CORFEM.

La licence

Plus précisément :

  • Que faire en licence avant le master ? 
  • Comment assurer la liaison avec le master ?
  • Quels stages avant le concours ? 

Stages 

Il faudrait a minima que les étudiants aient la possibilité d’aller voir ce qu’il se passe dans une classe avant de s’engager dans la formation pour devenir enseignant. Il faudrait donc un stage deuxième année de licence (L2), UE [2] de type « projet personnel de l’étudiant ».
 
Un stage sans aucun encadrement peut se révéler inutile : un étudiant de L2 était au lycée 3 ans plus tôt. Il serait donc nécessaire d’encadrer ce stage par des enseignements expliquant aux étudiant ce qu’ils peuvent observer de manière, par exemple, à prendre conscience du travail caché de l’enseignant, ainsi que de l’anticipation et du recul nécessaires.

Un stage d’observation et pratique accompagnée pourrait être pertinent en L3 [3], toujours pour confirmer le choix d’orientation et pour nourrir l’oral 2 du concours, mais il existe d’autres formats de stage. Par exemple le format APP (Atelier de Pratique Professionnelle) : un groupe de 8 étudiants, encadrés par un collègue du secondaire qui accueille dans sa classe et un formateur universitaire, conçoivent, mettent en œuvre et débriefent 8 séances.

Les réflexions sur les maquettes peuvent permettre d’échanger sur les formats de « stage », leurs avantages comparés, les conditions pour qu’ils soient fructueux.

 

Enseignements disciplinaires

Faut-il apprendre de nouvelles mathématiques ou consolider ce qu’on a vu en licence dans une perspective d’enseignement ? Il nous semble essentiel de faire en sorte que les étudiants perçoivent comment les mathématiques vues jusqu’en L3 permettent d’enrichir et d’éclairer les mathématiques à enseigner et de développer la capacité des étudiants à les transmettre.

Pour les connaissances à consolider, les aborder dans une perspective historique et épistémologique peut contribuer à leur donner du sens et aider à ne pas donner l’impression de faire « la même chose qu’avant plus vite et plus mal ». 

Idéalement, les collègues des composantes disciplinaires et des INSPE [4] pourraient collaborer pour la conception des cours, pour une approche orientée vers l’enseignement, mais aussi pour assurer la continuité avec ce qui sera fait en master. 

La nature des enseignements de préparation au concours dépendra du concours lui-même. Nous attendons les sujets zéros. L’intensité de la motivation à réussir le concours est un levier pour conférer un caractère formatif à la préparation ; le type de sujet et les choix faits pour les préparer orienteront cette dimension formative.

 

Parcours dédié ou pas ?

D’une part, nous ressentons la nécessité d’un parcours avec des UE dédiées permettant de préparer au concours, d’avoir une première réflexion vers l’enseignement et de développer d’autres compétences (par exemple des compétences langagières et une rigueur dans la rédaction et l’écriture). Nous nous demandons quelles qualités mathématiques la préparation au concours permettra de développer, notamment le nouvel oral 1.

D’autre part, nous ne devons pas créer un parcours tubulaire, pour que les étudiants aient le choix le plus longtemps possible de s’orienter vers l’enseignement ou pas, et pour que le choix « Capes ou agrégation » ne soit pas trop précoce.

Le point d’équilibre semble être : laisser la L2 commune, faire une L3 avec un parcours dédié. Dans ce parcours, utiliser les leviers « concours » pour stimuler une réflexion sur « qu’est-ce que faire des mathématiques » et retrouver un plaisir des mathématiques pour ceux qui ont des fragilités en L3. 

 

Gestion de la transition

Quelle préparation dans les L3 existantes ? Si des parcours fléchés « enseignement » existent déjà, ils pourront être réorientés vers des préparations à l’écrit et à l’oral. Il faudra pour cela faire un choix de sujets ouvrant à des synthèses ou des rappels, dans le but de stabiliser un petit corpus de connaissances solides et sûres.

Pour ne pas déstabiliser les licences, le choix pourrait être fait de simplement ajouter une préparation au concours à la L3 classique, avec le danger, pour les étudiants qui ne sont pas assez solides, d’échouer sur les deux fronts (forts taux de seconde session dans les L3 de maths).

Point de vigilance

Dans les petites universités, en fonction des moyens humains et financiers, il ne sera pas toujours possible de proposer une préparation au concours. Dans une région pauvre, où les étudiants n’ont pas les moyens de partir dans une université plus éloignée en licence, on perdrait des candidats potentiels

La perspective d’un master rémunéré risque de vider les parcours menant vers l’agrégation et de les ségréguer socialement, ce phénomène pouvant concerner en particulier les femmes. 

Quelle place pour la préparation à l’oral 2 ?

 

Quelles mathématiques en Master ?

Plus précisément :

  • quelle manière de les faire ?
  • quelle manière de les enseigner ?

Il faudrait a minima que les étudiants fassent encore des mathématiques en master, ce qui suppose d’aborder des savoirs de haut niveau tout en évitant d’évaluer les étudiants sur un degré de maîtrise de ces savoirs qui pourrait les fragiliser. Le but est de leur donner la possibilité d’utiliser ces connaissances pour éclairer les savoirs qu’ils auront à enseigner, et éventuellement, à plus long terme, de préparer l’agrégation.

 

Quelles mathématiques ? 

Dans une version idéale, les enseignants des composantes disciplinaires et des INSPE collaborent pour concevoir et dispenser des cours. L’idée étant de ne pas laisser les étudiants seuls devant la nécessité de transferts et de tissages entre les enseignements des différents blocs. Les travaux internationaux sur les « capstone courses » [5] fournissent des pistes de réflexion.

Sur un même objet, il s’agirait d’aborder les aspect mathématiques, épistémologiques, historiques et didactiques.

Mettre au centre les savoir à enseigner ; travailler la capacité à faire des synthèses, à établir des liens entre domaines et à changer de cadre ou de registre.

Penser cet enseignement moins pour aborder de nouveaux contenus mathématiques que pour les enrichir (par exemples en proposant des tâches nouvelles sur des savoirs qui peuvent être plus ou moins naturalisés), leur donner plus de sens (par exemple en comprenant à quels problèmes ils permettent - ou pas - de répondre).

Pour certains étudiants, de nouveaux contenus mathématiques seront probablement à aborder : contenus qui ne seraient pas ou mal couverts par les programmes de licence et qu’ils auront à enseigner. C’est souvent le cas actuellement de certains domaines autour des probabilités ou du dénombrement, mais il faut aussi penser aux étudiants qui intégreront le M1 [6], avec ou sans concours, sans avoir fait de parcours dédié en licence (reconversion, réorientation...).

Nourrir la motivation des étudiants et les mener à construire la confiance qu’ils ont en eux-mêmes sur la maîtrise des savoirs à enseigner.

Assurer le lien avec les autres savoirs de la formation (sur l’activité de l’enseignant, de l’élève, les différentes approches sociologiques, psychologiques etc.).

Nécessité de stabiliser et de mettre en contexte les connaissances (avec la préparation à l’oral 1, disparaît une occasion de revenir sur ses connaissances, et de les organiser).

Les connaissances se stabilisent avec le temps. Nous devons penser à jouer sur le temps long, la progressivité et la maturation des stagiaires. 

 

Quelle « recherche » et quelle place pour la recherche en Master ?

Plus précisément :

  • Quelle place pour la recherche en master MEEF [7] mathématiques ? 
    • Place des savoirs. Réflexion sur ces savoirs dans le cadre de l’initiation à la recherche.
    • Quelles méthodes : bibliographie, recueil de données, analyse etc. ? 

De quelle recherche s’agit-il ?

La recherche doit être liée à des questions d’enseignement :

  • Lien fort avec la pratique. 
  • Le mémoire est un élément central de la discussion

Point de vigilance : la répartition en « blocs » du projet de master ne doit pas préjuger des catégories d’intervenants. 

 

Quelle finalité ?

C’est la formation par la recherche qui permet ensuite aux enseignants d’évoluer tout au long de leur carrière, de s’adapter à l’évolution des publics et des connaissances. C’est aussi une initiation à l’écriture par la rédaction du mémoire, comme outil de mise en fonctionnement de la réflexivité, qui peut ensuite être poursuivie dans le cadre de la formation continue et du développement professionnel.
 
Il est nécessaire de travailler sur un temps long : on peut initier dès la licence un travail de recherche en lien avec la discipline. (Dans le premier degré, on pourrait prévoir une progression sur 5 ans).

 

Vigilance pour les stages

Si la réforme se met en place comme elle est annoncée, les M1 auraient une gratification de 900 € par mois, mais ils seraient affectés. Comment feront-ils s’ils sont affectés dans un endroit où on ne peut pas se loger correctement avec 900 € ?

Nous avons aussi évoqué l’importance de faire des stages dans différents contextes pour éviter une certaine modélisation en première année. Peut-être un stage collège sur un semestre et un stage lycée sur l’autre semestre ?

Dans une version idéale, nous pensons le stage en M2 comme un tiers temps, et les fonctionnaires stagiaires auraient la charge d’un seul niveau.

 

Rédaction de la synthèse

Cette synthèse des échanges a été rédigée par :

  • Hamid Chaachoua
    PU [8] à l’Université Grenoble-Alpes, INSPE de l’académie de Grenoble, laboratoire LIG
  • Marie-Line Chabanol
    MCF [9] mathématiques à l’Université de Bordeaux, présidente de l’ADIREM [10]
  • Renaud Chorlay
    MCF HDR [11] didactique des mathématiques à Sorbonne Université, INSPE de l’académie de Paris, responsable du bureau de la CORFEM
  • Sylvie Grau
    MCF Didactique des mathématiques à Nantes Université, INSPE de l’académie de Nantes
  • Marc Moyon
    MCF HDR en histoire des mathématiques à l’Université de Limoges, INSPE de l’académie de Limoges
  • Louise Nyssen
    MCF mathématiques à l’Université de l’académie de Montpellier, directrice adjointe de l’IRES de Montpellier, directrice adjointe de l’INSPE de Montpellier
  • Claire Piolti-Lamorthe
    présidente de l’APMEP
  • Pascale Sénéchaud
    MCF Mathématiques à l’Université de Limoges, directrice du département de mathématiques FST, co-responsable de la commission Inter-Irem Université
  • Jacques-Arthur Weil
    PU mathématiques à l’université de Limoges, INSPE de l’académie de Limoges

 

Notes

[1CORFEM : COmmission de Recherche sur la Formation des Enseignants de Mathématiques

[2UE : unité d’enseignement

[3L2 : 2e année de licence
L3 : 3e année de licence

[4INSPE : Institut national supérieur du professorat et de l’éducation

[5leçon « clé de voute »

[6M1 : 1re année de maîtrise
M2 : 2e année de maîtrise

[7MEEF : Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation

[8PU : professeur⋅e d’université

[9MCF : Maître⋅sse de conférences

[10ADIREM : Assemblée des directeurs d’IREM
IREM : Instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques
IRES : Instituts de recherche sur l’enseignement des sciences

[11HDR : habilitation à diriger des recherches

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