Collège unique et maths modernes Tribune libre
Dans les années 70, une grande réforme a mobilisé la communauté des enseignants de mathématiques : la réforme dite des « maths modernes ». Tous animés d’un esprit militant, nous étions persuadés que des fondements propres et une rigueur totale dès le démarrage de la construction mathématique permettraient à tous de réussir dans notre discipline. Las ! Force fut de reconnaître que les espoirs portés par la réforme avaient été déçus et que loin d’amener tout le monde aux joies du raisonnement déductif, nous avions perdu en route la grosse majorité de la population qui nous était confiée. La communauté enseignante eut alors le courage de réfléchir à cet échec et de revenir à un enseignement plus adapté à la majorité des élèves.
Ce qui se passe avec le collège unique, du moins là où le collège unique existe réellement, me semble être du même ordre. Les buts étaient louables : bâtir l’école de la République en donnant à tous les mêmes chances, éviter les ségrégations sociales précoces, prolonger la grande mission du primaire encore quatre années pour que tous accèdent à la culture commune nécessaire dans la société où nous vivons. Dix ans après sa mise en place, les gens du terrain sont à peu près unanimes. C’est bien triste, mais ça ne marche pas ! Nous sommes nombreux dans les collèges à avoir un sentiment de gâchis pas possible. Animés de notre volonté touchante de les tirer tous vers le haut, nous voici enfonçant chaque jour un peu plus la tête sous l’eau à dzes adolescents qui n’ont alors d’autre choix que de se réfugier dans un refus radical qui effraie les adultes.
Alors, aurons-nous le courage de regarder la situation en face, de faire tout haut ce constat ô combien politiquement incorrect à l’heure qu’il est, et d’inventer des solutions moins mauvaises et qui ne soient pas un retour au passé ?
Compte tenu du parallèle évoqué plus haut, les enseignants de mathématiques me semblent bien placés pour lancer ce débat inévitable et je souhaiterais que l’APMEP en son sein et dans ses colonnes participe à cette réflexion d’urgence, avant que des générations entières n’aient désappris sur les bancs du collège.