Lettre au Premier Ministre

Monsieur le Premier Ministre,

Pour exprimer les inquiétudes des professeurs de mathématiques et pour présenter ses propositions de changements au service d’un enseignement à la fois démocratique et de qualité, l’APMEP a décidé de s’adresser directement à vous : vous avez été Ministre de l’Education Nationale, et nous pensons que les questions d’Education ne vous sont pas indifférentes. Mais surtout, la discussion avec le Ministère de l’Education nous semble devenue impossible : le ministre étale avec ostentation son mépris pour les mathématiques et nous ne pouvons plus avoir confiance en lui pour régler la question de l’avenir d’une discipline « dévalorisée » à ses yeux, pour employer ses propres termes, alors que la communauté scientifique internationale la juge fondamentale pour les sociétés modernes..

L’Académie des Sciences, la Commission de réflexion sur l’Enseignement des mathématiques, la Société Mathématique de France, l’Assemblée des Directeurs d’IREM, le SNES, les plus grands mathématiciens français, médaillés Fields en tête, se sont émus et ont réagi à travers de nombreux courriers et communiqués à divers propos prêtés au Ministre, le plus respecté des mathématiciens français, dans une lettre devenue de notoriété publique, qualifie certains propos de « textes stupides et inadmissibles de la part du Ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie »

La situation est extrêmement préoccupante : ces propos seraient sans conséquence s’ils n’engageaient que la personne d’un scientifique français, mais ce scientifique est Ministre, et nous constatons au fil des mois qu’ils sont suivis d’effet :

le nombre de postes aux concours de recrutement subit une baisse préoccupante quand on sait que les classes d’âge les plus nombreuses d’enseignants vont sous peu parvenir à la retraite ; l’effet n’en est pas immédiat mais n’en sera pas moins grave .

la demande de formation continue sur les nouveaux programmes dans les domaines où les professeurs en place ne sont pas formés est catégoriquement repoussée, et la formation continue, de façon générale, est sinistrée.

les horaires de Mathématiques sont effectivement en passe d’être réduits drastiquement :

Dans la plupart des collèges, les horaires seront à la rentrée autoritairement réduits aux horaires-plancher pour faire place aux « travaux croisés » et aux « parcours diversifiés » organisés sans moyens spécifiques.

Au lycée, la baisse d’horaire est de 3/4 d’heures en seconde, de 1 heure en Première S, de 1/2 en Terminale S, de 1/2 heures en 1ère ES avec de plus en première la disparition des modules qui nous semblaient pourtant un dispositif très approprié au traitement de l’hétérogénéité nouvelle des classes de lycée.

Ce n’est ni l’intérêt ni le bien fondé des travaux inter-disciplinaires que nous mettons en cause, l’APMEP est convaincue depuis longtemps qu’ils doivent compléter et consolider les apprentissages disciplinaires, mais ils ne doivent pas se substituer à eux. Nous affirmons que l’apprentissage du B-A-BA des mathématiques réclame absolument un horaire-élève de quatre heures hebdomadaires au moins, dans toutes les classes, de la sixième à la seconde. Les faits le confirment aujourd’hui, car un grand nombre d’élèves arrive désormais au lycée sans avoir pu bénéficier au collège de cet horaire que préconisait naguère Didier Dacunha Castelle et force est de constater qu’ils ne maîtrisent pas les bases les plus élémentaires.

De même, nous ne discutons pas l’intérêt d’une diversification des activités pédagogiques, ou la nécessité d’activités de soutien lorsqu’elles sont bien organisées et menées par des professeurs compétents. Mais nous ne pouvons approuver ces dispositions lorsqu’elles aboutissent de fait à empêcher l’enseignement de base de fonctionner de façon acceptable : nous assistons à un émiettement des activités, à une multiplication des intervenants, et à une baisse des horaires de notre discipline qui vont à l’encontre du but poursuivi.

Cette perte horaire dans une discipline aussi fondamentale que les mathématiques sera tout à fait dramatique pour de nouvelles générations qui ont le besoin essentiel d’une solide formation à la rigueur, au raisonnement, à l’analyse, à la synthèse, de la maîtrise des divers outils de communication, de l’exigence d’une compréhension approfondie. Les mathématiques contribuent à l’acquisition de compétences fondamentales qui seront indispensables à tous : savoir lire textes, tableaux et graphiques, savoir coder et décoder, structurer, classifier, établir des liens entre des représentations diverses, comprendre et savoir utiliser quelques outils devenus universels. Ces apprentissages se construisent sur la durée, et on ne peut en faire l’économie.

Ajoutons que le nouveau GTD de Mathématiques rencontre de réelles difficultés pour concevoir des programmes de qualité, faisables dans les horaires impartis (plus que 4,5 heures de cours et 1h de TD, par exemple, pour mener à son terme le programme de Terminale Scientifique !).

Ainsi, cette année 2000, décrétée Année des mathématiques par l’UNESCO, verra paradoxalement l’enseignement de cette discipline dans notre pays sérieusement compromis.

Pourtant, la communauté mathématique et enseignante, émue par les difficultés grandissantes rencontrées par les étudiants et par la chute importante des effectifs dans les filières scientifiques a décidé de s’investir pour définir un renouvellement de l’enseignement des mathématiques. Des mathématiciens prestigieux s’intéressent en ce moment à la question, et les enseignants des collèges et des lycées sont prêts à poursuivre les gros efforts d’adaptation que réclament à la fois les nouveaux publics de l’école et l’arrivée de moyens technologiques nouveaux.

Mais, face à cette mobilisation, loin de soutenir cette volonté de changement, le Ministre lasse les meilleures volontés, décourage les plus motivés et couvre de sarcasmes un corps professoral qui, en première ligne face aux difficultés sociales, devrait bénéficier de son soutien et de son respect.

Pour faire entendre la voix des professeurs de mathématiques auprès d’un gouvernement qui, par l’intermédiaire de ses Ministres nous semble sourd et aveugle ,(une demande d’audience auprès de Madame Royal est restée sans la moindre réponse depuis début Novembre malgré plusieurs interventions par téléphone et par fax), nous avons fait circuler une pétition présentant des propositions constructives et réalistes. Elle a été signée par 9000 professeurs de mathématiques environ.

Je vous prie de bien vouloir accorder une entrevue aux représentants de notre association pour nous permettre de vous exposer ces demandes.

Convaincue que vous voudrez bien les examiner avec l’attention et l’impartialité que nous n’espérons plus trouver auprès des Ministres en charge de l’Education Nationale, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mon profond respect.

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