Lettre au ministre sur l’enseignement primaire
Pombourcq Pascale, Présidente de l’APMEP
à
Monsieur Xavier Darcos, Ministre de l’Education Nationale
Le 10 mars 2008
Monsieur le Ministre,
Le discours du président de la République, à Périgueux le 15 février, sur la réforme de l’enseignement primaire, avait suscité un grand espoir. Nous avions, en effet, entendu avec plaisir que des efforts conséquents allaient être faits pour garantir l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences et réduire le nombre d’élèves en grande difficulté. Vous avez, par exemple, annoncé souhaiter diviser par trois en cinq ans, le nombre d’élèves en difficulté à l’école primaire. Notre déception a été d’autant plus grande à la lecture des projets de programme. Et nous souhaitons dénoncer ici, encore une fois, le calendrier de leur mise en place. Pour nous, tout projet de programme doit être débattu, expérimenté et rédigé seulement après remontée des observations. Or il semble que ces projets soient prévus pour la rentrée 2008 ! La consultation prévue ne sera-t-elle alors qu’un alibi ? Pourquoi mener une réforme de cette importance à une telle vitesse ?
Les horaires :
Vous écrivez : « les horaires sont plus simples et précis : il n’y a plus d’horaire minimum et maximum en français et mathématiques, mais un horaire unique clairement identifié pour chaque discipline ». Vous précisez que l’horaire de français du CE2 au CM2 sera désormais aligné sur la fourchette haute soit huit heures, mais vous omettez de dire que l’horaire de mathématiques sera lui, aligné sur la fourchette basse, soit cinq heures. Vous souhaitez relever le niveau de la France dans les évaluations internationales, en mathématiques en particulier. Mais ce n’est pas en réduisant les horaires, tout en augmentant les contenus, que vous redresserez la situation. Nous vous alertons depuis de nombreuses années, sur l’importance du temps dans la mise en place des apprentissages, quelque soit le niveau d’enseignement.
Les programmes :
Les modifications de programmes que vous proposez ne sont fondées sur aucune analyse objective quant aux origines des taux d’échecs que vous dénoncez avec juste raison. Les mauvais résultats des élèves français à des évaluations internationales concernent des élèves qui n’ont pas été concernés par les programmes de 2002.
Vous écrivez : « l’apprentissage des techniques opératoires est renforcé ». Il est vrai que nous sommes confrontés, à tous les niveaux d’enseignement, à l’incompétence algébrique de nos élèves. Mais l’apprentissage des mathématiques ne doit pas se réduire pour autant à l’apprentissage exclusif de techniques. Les problèmes que pose l’apprentissage de la proportionnalité par exemple, ne se réduisent pas uniquement à la maîtrise de la fameuse « règle de trois ».
Nous dénonçons l’effet de balancier qui nous fait souvent passer d’un programme à l’autre. « On va des problèmes aux connaissances » qui devient « on va des connaissances à la résolution des problèmes » est symptomatique de ce phénomène.
Les programmes de 2002, qui ont été élaborés par un groupe clairement défini, transparent, inscrivant ses propositions dans la suite des très nombreuses recherches effectuées en France et dans le monde tant en sciences de l’éducation que dans les didactiques des différentes disciplines, nécessitent du temps pour être appliqués. Ce délai d’application effective est dans une large mesure la conséquence de l’impossibilité de former en quelques années l’ensemble des professeurs des écoles à la maîtrise de ces nouveaux programmes.
Le socle commun :
« Les programmes intègrent les objectifs du socle commun ». Cela signifie-t-il que les programmes deviennent les objectifs du socle commun à acquérir par tous les élèves ?
L’accompagnement :
Vous souhaitez respecter la liberté pédagogique des enseignants et à ce titre, il semble que vous ne souhaitiez pas l’écriture de documents d’accompagnements. Pour l’APMEP, tout enseignant de l’école primaire est, entre autres, un professeur de mathématiques. Malheureusement, il n’a pas toujours la formation nécessaire et ce ne sont pas des programmes de mathématiques de six pages, non accompagnés de documents pédagogiques officiels pertinents qui pourront lui venir en aide. Nous pouvons craindre alors, qu’ils ne se jettent sur les tâches techniques et répétitives, quelque peu rassurantes. Ce n’est certainement pas ce type de formation mathématique que nous souhaitons à l’école primaire. Il est à craindre qu’il ne détourne encore un peu plus les élèves des mathématiques. L’attractivité des rallyes mathématiques à l’école primaire montre l’attachement de cette classe d’âge aux défis et à la recherche de problèmes.
Nous avons rencontré, il y a quelques jours votre conseiller, Mark Sherringham. Il tenait à nous rassurer quant au rôle qui serait attribué aux mathématiques au lycée. Ce qui vient d’être annoncé pour l’école primaire ne fait au contraire que renforcer notre inquiétude.
Nous souhaiterions pouvoir vous développer de vive voix les arguments que nous vous avons présentés de façon succincte dans ce courrier. En espérant vivement que vous prendrez en considération ces arguments et ces inquiétudes concernant les projets de l’école primaire, et que vous accepterez de nous recevoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués à une formation mathématique de qualité.